Les Tiny Houses ont besoin de sortir du flou juridique

Les tiny houses, ces maisons miniatures et mobiles qui essaiment en France depuis quelques années, peuvent-elles devenir une brique d’une politique locale de l’habitat ? Le 29 mars, le premier colloque consacré au sujet organisé par Sciences- Po Rennes à Caen tentera de répondre à la question. Alexis Alamel, enseignant chercheur organisateur du colloque revient sur les enjeux de ce mode d’habitat.

Peut-on vraiment parler d’un « mouvement tiny house » ?

Depuis quelques années, et surtout depuis l’après-covid, on observe un attrait pour cet habitat mobile. Il prend des formes diverses, entre des remorques de type agricole qui peuvent faire jusqu’à 35 -40 mètres carrés, des micro-maisons en ossature bois qui touchent le sol, des tiny houses sur pilotis.

Entre 2013 et 2019, dans le cadre du projet de recherche que je mène, on a dénombré environ 1000 articles de presse sur le sujet, soit autant qu’entre 2020 et 2022, ce qui montre l’intérêt pour le sujet. De plus en plus de constructeurs se sont positionnés sur ce créneau, on en a dénombré jusqu’à 160, beaucoup dans le nord-ouest de la France. On voit aussi de plus en plus de particuliers qui achètent des terrains spécifiquement dédiés, pour créer de petits villages de tiny houses. Mais c’est un peu trop tôt pour parler d’un mouvement, même si des collectifs ont émergé pour faire de la sensibilisation auprès des élus locaux.

Les collectivités s’intéressent-elles à ce type d’habitat ?

Oui, certaines ont créé des projets pour le logement des travailleurs saisonniers sur le littoral, où l’explosion des résidences saisonnières leur bloque l’accès à des appartements décents. Au Havre, ont été créés des logements en conteneur pour les étudiants. Le Crous de Bordeaux a également créé quatre tiny houses au pied d’une résidence étudiante, sur le campus de Pau. Seul souci, elles sont sur remorque donc leurs locataires ne peuvent avoir accès à l’aide personnelle au logement. A Saint-Brieuc, le propriétaire d’une résidence étudiante détenait un terrain agricole à proximité, il a développé un projet d’une dizaine de tiny houses, louées aux étudiants et aux touristes en période estivale. Enfin Villeurbanne est la première à avoir développé un village de tiny houses pour les personnes en situation de précarité et les mères célibataires. On peut enfin évoquer le projet de la commune de Rezé, qui avait proposé la location sous forme de bail emphytéotique de longue durée de terrains pour des tiny houses.

 

Ce type de projets est-il bien reçu par les élus ?

Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire : les élus ont souvent cette idée de personnes qui veulent profiter d’un terrain sans s’investir sur la commune, sans payer de taxe foncière. Souvent quand une tiny house s’installe, les propriétaires organisent une journée porte ouverte pour montrer comment ils vivent, il faut faire une mise en récit. Dans les plans locaux d’urbanisme et dans le règlement national d’urbanisme, ce type de projet est souvent impossible.

Quel est leur cadre juridique ?

La loi Alur du 24 mars 2014  a permis le pastillage Stecal – Secteurs de taille et de capacité d’accueil limités –  dans les zones agricoles et naturelles pour installer ce type de résidence démontable, mais il est difficile de trouver des élus qui y sont favorables. Certains maires autorisent l’installation de façon tacite sur des terrains non constructibles, mais les habitants restent suspendus à d’éventuelles dénonciations du voisinage. Enfin, l’installation doit se faire avec une déclaration de travaux, car une tiny house de moins de 3,5 tonnes est considérée comme une cargaison, pas comme un logement, il faut une immatriculation, et la « cargaison » doit être déplacée tous les trois mois, mais les textes ne disent pas ce que signifie « déplacer ». Il y a un vrai flou sur ce cadre juridique, les habitants des tiny houses ont besoin de simplifications et de précisions.

Pensez-vous que les tiny houses peuvent répondre à un vrai besoin ?

Je pense qu’on est à un point de bascule par rapport à la crise climatique, du logement : le logement est le principal facteur d’artificialisation des terres, les ménages ne peuvent plus acheter un premier logement du fait de la hausse des prix,…Les tiny houses peuvent être une réponse sporadique à tous ces enjeux, notamment en milieu rural. Les familles généralement ne demandent qu’à être acceptées et à s’intégrer à la vie locale, cela peut être un outil de redynamisation du territoire.